Colette Daviles-Estinès


Tri

Je laisse ma mémoire aux mouettes
Je ne garde pas la mer 
seulement l’hiver de son rivage
Je prends l’ocre et la falaise
où j’ai suspendu deux volets
Je laisse les rues sous la pluie
et leurs lueurs diffractées
Je garde le miel de la lumière
Je prends la lune sur le palier
Je laisse la colère 
aux colporteurs de nuit
Je garde le lait de l’aube
et les étoiles perdues
Je prends tout ce qui fulgure
En long, plusieurs libellules
En large, deux tortues dodelinent
En travers, quatre poules malgaches
picorent le grain du bois
Je laisse, je garde, je fais avec
Je prends la mesure des murs
Ma vie se démesure toute seule
Je peux encore y mettre de la joie

Avis de grand sec


Et ce soleil toujours
qui ratisse les ombres
à grandes lampées de vent










Née au Vietnam, grandie en Afrique, Colette Daviles-Estinès a été longtemps paysanne. Elle puise son inspiration dans un sentiment de perpétuel exil. Nombre de ses textes ont été publiés à La Barbacane, Le Capital des Mots, La Cause littéraire, Un certain regard, Revue 17 secondes, Ce qui reste, Paysages écrits, Le Journal des poètes, Écrit(s) du Nord, Nouveaux délits, Comme en poésie, Verso, La Toile de l'un.... Son recueil de poésie (Allant vers et autres escales) a paru aux éditions de l’Aigrette en 2016. Voir son site : http://voletsouvers.ovh. Présente sans exception dans tous les n°s de Lichen depuis l’origine.

12 commentaires:

  1. Rien que les titres sont des appels et ensuite, l'évasion... le fil qui s'emmêle et se démêle... la quête, toujours.

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  2. L'ample vibré de scansion au point de vie et le concis qui évase... Tout y est, Colette, et comment choisir ? Je vais tout retenir +++++

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  3. Toujours beaucoup de sensibilité avec un rappel de bienveillance envers soi-même
    C'est doux ... Merci

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  4. J'ai voyagé sous le vent qui fait claquer les volets, vibrer la falaise, crier la mouette et s'enfuir vers des pays lointains, merci

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  5. Pas à balancer, je prends tout de ces mots là.

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  6. Comment fais tu pour chaque vers nous surprendre?

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  7. j'apprécie les images bien sûr, mais dans ce poème-ci, que dire du rythme!?
    Aucun tri à faire dans ce texte, Colette !

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  8. C'est Tri beau, Colette, comm'd'hab ! et en plusse, tu sais y faire avec la joie...

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  9. Une danse marelle invocation, cela ne peut que fonctionner.
    Surtout avec les Grigris.

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  10. Commentaire de Guy Lebressan : Beau. "Tri" en particulier, un recul dans le ton qui donne beaucoup de force aux images. Un peu désabusé ? ("...je fais avec" "Je peux encore y mettre de la joie").

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  11. moi aussi je veux "le lait de l'aube" amie Colette je fournirai le flacon.

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