Michel Diaz


Ce dont quelque chose s'échappe

derrière les yeux
ce qui importe est sans visage
et sans regard

derrière le silence
ce qui compte est ce qui est sans mots
où appuyer sa voix

dans l'arrière-fond du sommeil
ce qui résiste    dans sa nuit
est cet inaudible murmure du sang

comme on se sent parfois perdus
dans un pays qu'on ne reconnaît pas
où tous les cailloux du chemin
sous nos pas trébuchants se ressemblent !

reste le ciel
et ses hoquets de bleu
la folle impermanence de la mer
et l'extravagance du vent

il faut sentir la main de l'inconnu
peser sur son épaule
dans la lumière humide des sous-bois

boire ce qui du crépuscule
brûle dans les lointains
et patiemment se décolore jusqu'au noir
dans le gris de ses cendres

et c'est à nouveau là

ce qui remue dans l'ombre des étoffes
à portée de regard et de mots
ce dont quelque chose s'échappe
du côté de la perte

qui fuit     devant
toujours recule s'effiloche
et reste à dire

avant
que toute faim s'épuise
dans la déchirure du jour







Michel Diaz a publié plus d’une vingtaine d’ouvrages (textes dramatiques, poétiques, nouvelles) chez différents éditeurs (P.-J. Oswald, J.-M. Place, Jacques Hesse, L’Amourier, L’Harmattan, Christian Pirot, N & B, L’Ours blanc, Cénomane, Musimot…). Outre des livres d’art en compagnonnage avec des artistes, peintres ou photographes, il a travaillé également sur de nombreux livres d’artistes à tirage limité. Collaborant à des revues (Chemins de traverse, L’Iresuthe, CRV, Poésie/Première, Écrit(s) du Nord, La Voix du basilic, Encres vives…), il est directeur de la collection « Nouvelles » pour les éditions de L’Ours blanc. Présent dans les n°s 5, 6, 7, 8, 12, 13, 14, 15, 17 et 18 de Lichen.

5 commentaires:

  1. Je sens que vous ramenez de très loin ce poème qui pour moi dépasse la poésie, qui touche à un ineffable non "dés-existentialisé", si humain de bout en bout, fait de mots troublés et qui troublent, et même bouleversent, qui me bouleversent particulièrement dans les six vers de la fin.

    RépondreSupprimer
  2. Très sensible à vos lignes en retour, Michel... Oui, écrire est aussi une quête qui, toujours plus loin vers le sens approché-égaré, pourrait bien, ?, aboutir mais de façon si insoupçonnée, si autre, qu'en profondeur elle nous modifierait, nous voyageurs revus et corrigés par leur voyage... Amicalement à vous.

    RépondreSupprimer
  3. les mots troublés ... oui c'est cela Clément, quelque chose vibre.
    Nous avançons en stimulant de nouveaux sens. Essayons.

    RépondreSupprimer
  4. Superbe ! Ce qu'il reste à dire... le silence !

    RépondreSupprimer
  5. Commentaire Guy Lebressan : "Qui fuit devant, toujours recule s'effilloche, et reste à dire...". Beau et sensible.

    RépondreSupprimer