Yann Bachelet


J'accompagne en souriant le soleil qui se lève. Je fais un pas sur le chemin de montagne avant que ne tombe le brouillard qui égare. Je pourrais être aveuglé par la tâche qui m'incombe. Je griffe un arbre avec mon couteau que je porte dans ma poche comme un paysan. J'ai blessé la sève qui le nourrit ; mes doigts en sont salis.
Je me souviens des marques d'ongles sur le mur en acier des condamnés. Les oiseaux prévenants m'indiffèrent.

*

Je voudrais évoquer. J'ai trouvé dans la lumière de l'aube la peur de vivre. Je voudrais dire la douleur avérée d'un matin. J'ai trouvé, le corps serré, un désir profond d'en finir. J'écris cette violence inouïe dans l'apaisement de pouvoir la nommer, lui donner un nom.
La lumière morne du jour, sous la pluie de saison, arrête en moi le sang de mes veines, la poitrine se serre. Je suis opaque comme la nuit, je voudrais voir mais ne trouve rien. Le corps est tenace à ses souffrances. Aucun sursis, aucune porte ne s'ouvre, le temps ne coule plus. Je suis abandonné sur la berge du monde.
Je pourrais essayer de fuir, laisser cette douleur se perdre dans une violence, briser la glace. Oui c'est cela briser, casser, faire un grand bruit qui me ferait oublier par son intensité d'entendre mon propre écho...
Frappé de mutisme.







Né en 1964, Yann Bachelet vit actuellement à Pau, où il partage son temps entre peinture et écriture. Présent dans le n° 22 de Lichen

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